Pour Emmanuelle, Meunière du Moulin de la Bicane (Campbon)

Mon coeur bat
Pour la meunière
Et elle ne le sait pas,
Je guette chaque matin
L’arrivée de son pas
Encore plus doux qu’hier

J’attends nos retrouvailles
Comme un jeune soupirant
Plein de la douce assurance
Qui fait les cœurs pleins,
Je frémis quand elle chante,
Je tremble quand elle doute

Je perçois son humeur
Dès qu’elle passe la porte,
Elle me confie ce qui l’habite,
Je lui crisse mes désirs,
Lui raconte ma nuit
Sur la lande endormie

Parfois, pour ne pas l’inquiéter
Je retiens quelque toux, douleur,
Ou rhumatisme.
Mais rien ne sert de ruser,
Elle me connait par coeur,
Chaque rouage a sa musique

Chacun de mes soupirs
Lui donne du souci,
Chacune de mes fêlures
Lui raconte l’histoire
Du temps béni ancien
Où j’étais jeune encore

Elle caresse mes pierres
M’encourage en chantant,
Elle dit que mon grand âge
Me donne un charme fou,
Je fais semblant d’y croire
Ses mots me sont si doux…

Sa confiance m’honore,
Rien n’est plus beau pour moi
Quand au milieu du jour,
Elle écoute apaisée,
Le doux bruit de ma meule
Qui écrase le blé

J’ouvre mes ailes au vent,
Me tiens fier et hardi,
Mon chant est une promesse,
Elle tiendra bientôt
Entre ses doigts blanchis
Le son, le gruau, la farine

Alors je sais qu’ensemble
Nous passerons les tempêtes
Et défierons le temps,
Mon coeur bat
Pour la meunière
Peut-être bien qu’elle le sait déjà…

Anne Markyse